La réforme du baccalauréat sera lancée dès la rentrée prochaine. Et s'il semble acquis que Jean-Michel Blanquer reviendra sur les modalités pratiques de l'examen, plusieurs indices tendent à démontrer que la fonction même du diplôme pourrait être transformée. Ouvrant ainsi la voie à la sélection à l'université.
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Devant la Commission de la culture et de l'éducation, Jean-Michel Blanquer a réaffirmé vouloir "muscler" le baccalauréat. |
La session du bac qui
vient de s'achever sera-t-elle la dernière dans son genre ? On
pouvait légitimement se poser la question au vu des promesses qu'Emmanuel Macron avait formulées durant sa campagne. Finalement, lors du discours de politique générale d'Édouard Philippe, il
a été acté que la réforme aurait bien lieu mais qu'elle ne se
concrétiserait pas tout de suite dans le quinquennat. « Une
concertation sera lancée dès la rentrée prochaine pour resserrer
les épreuves finales autour d'un petit nombre de matières et
définir ce qui relève du contrôle continu, a annoncé le
Premier ministre. Elle aboutira avant la rentrée de 2018 pour que
la réforme soit complètement mise en œuvre lors du bac de 2021. »
Reste à savoir quelle
sera la portée de cette réforme. Pour l'instant, Jean-Michel
Blanquer, le ministre de l'Éducation nationale, a seulement admis
vouloir « muscler » le baccalauréat. Comprendre
un bac moins épais, avec uniquement 4 matières à passer lors de
l'examen final pour valoriser une base fondamentale de disciplines
dans chaque filière. Les autres matières, quant à elles, seraient
soumises à une évaluation en contrôle continu. C'est en somme
exactement ce qu'avait promis Emmanuel Macron avant d'être élu, et
c'était déjà ce que préconisait Jean-Michel Blanquer en octobre
2016 lorsqu'il publia son ouvrage L'École de demain :
propositions pour une Éducation nationale rénovée.
Cette réforme
organisationnelle du baccalauréat a déjà été préconisée par
plusieurs comités de réflexion. Selon eux, elle présenterait de
nombreux atouts dont notamment une réduction des coûts liés à
l'examen. L'association Terra Nova, par exemple, chiffre les frais
directs du baccalauréat à 100 millions d'euros par session. Mais
lorsqu'on prend également en compte les frais indirects – qui
découlent essentiellement des heures d'enseignement payées mais non
assurées par les milliers d'enseignants qui sont mobilisés pour
surveiller les épreuves, et de la fermeture prématurée de certains
établissements choisis comme centres d'examen – le bac coûterait
près de 1,5 milliard d'euros. C'est du moins l'estimation qu'en
avait fait le syndicat national des personnels de direction de
l'Éducation nationale en 2013. Par ailleurs, la lourdeur de l'examen
conduit à l'amputation de presque un mois d'enseignement et à la
mobilisation d'environ 20.000 professeurs qui doivent corriger
quelques 4 millions de copies chaque année.
Le baccalauréat, un totem difficile à réformer
Le contrôle continu et
le passage à 4 matières soumises à l'évaluation externe (contre
une dizaine aujourd'hui) permettraient ainsi d'alléger
considérablement les contraintes organisationnelles et financières
du baccalauréat. Sauf que cette réforme est amenée à rencontrer
de fortes résistances institutionnelles. Qu'on se souvienne de
François Fillon qui était ministre de l'Éducation nationale en
2005 et qui avait tenté de réduire le bac à seulement six
matières. Résultat : un vaste mouvement de protestation
s'était étendu jusque dans la rue, lequel contraignit le
gouvernement d'alors d'enterrer cette réforme.
Pour Bruno Magliulo,
inspecteur d'académie, la réforme de Blanquer
pourrait connaître les mêmes difficultés. « De nombreux
enseignants s'opposent à ce que leur discipline soit "rabaissée"
au rang de matière secondaire en étant évaluée par le contrôle
continu, explique-t-il. Si la plupart des professeurs sont
favorables par principe à une telle mesure, c'est à la condition
que la discipline qu'ils enseignent demeure dans la liste de celles
qui seront évaluées de façon externe et globale. »
Autre facteur de blocage : la crainte largement répandue de
voir le baccalauréat déparé de sa dimension nationale. « La
généralisation du contrôle continu pourrait transformer le diplôme
en un simple certificat de fin de scolarité secondaire, dont la
valeur serait trop fortement liée à la réputation du lycée
fréquenté », conclut Bruno Magliulo.
Vers une forme de sélection à l'entrée de l'université ?
Malgré les difficultés
qui s'annoncent, il n'est pas impossible que la réforme du
baccalauréat prévue par le gouvernement aille encore plus loin. Au
mois de juin dernier, Jean-Michel Blanquer a lâché une petite bombe
dans une interview donnée à France Culture : « Il
faut donner plus de sens au baccalauréat afin qu'il soit plus utile
pour les élèves. Il ne doit plus être une forme d'évaluation
finale de l'élève, mais un tremplin pour la suite de son
parcours. » Cette phrase laisse entrevoir une réforme qui
ne toucherait plus seulement à l'aspect organisationnel du
baccalauréat, mais également à sa fonction certificative. En d'autres termes, le nouveau baccalauréat pourrait fortement conditionner l'accession à l'université, cette dernière
étant aujourd'hui ouverte à tous les bacheliers.
Ce premier pas vers la
sélection à l'entrée de l'université avait été assumé par
Emmanuel Macron au cours de sa campagne. Dans un long entretien donné
à L'Étudiant, il fustigeait les taux d'échec impressionnants au
sein de l'université (NDLR : la moitié des étudiants ratent
leur première année d'université, et ils ne sont que trois sur dix
à obtenir leur licence en trois ans). « Le lycée devra évoluer vers un système plus modulaire, affirmait-il.
C'est la logique du bac à 4 matières. Ainsi, chaque filière du
supérieur pourra fixer les connaissances indispensables à l'entrée
: l'inscription supposera que les bons modules aient été acquis,
soit au bac, soit par des cours d'été ou un semestre dédié à
l'université. » Il n'est donc pas impossible que la
réforme du baccalauréat promise par Jean-Michel Blanquer débouche
de facto sur l'instauration d'une forme de sélection à
l'entrée de l'université. Autant dire que pareil scénario pourrait
rencontrer une opposition frontale des syndicats enseignants et
étudiants. C'est sans doute pour cette raison qu'Édouard Philippe a
annoncé que la réforme du baccalauréat ne s'appliquerait qu'à
l'horizon 2021, et que Jean-Michel Blanquer a beaucoup insisté sur
sa volonté d'agir de conserve avec le monde éducatif. La première
concertation aura lieu après l'été et
permettra sans doute d'y voir plus clair sur les intentions du
ministère.
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